1. Introduction
L'objectif de l'exploitation
d'une unité de biométhanisation est la production
d'électricité et de chaleur utile de la façon
la plus économiquement rentable, et ce, à long
terme.
- Ceci implique la production
continue de la quantité exacte de méthane
(ni plus, ni moins) nécessaire au fonctionnement
optimal des moteurs de cogénération.
- Ceci implique également
qu'il est primordial de maintenir la biologie du digesteur
en bonne santé.
- Ceci implique enfin,
qu'il est nécessaire de tenir compte de la disponibilité
des matières premières.
La formulation de la ration
d'alimentation doit tenir compte de tous ces aspects. Les
nutritionnistes de notre association ont développé
une méthode de formulation qui tient compte de ceux-ci.
2. Lors du rationnement, il est
primordial de procéder dans l'ordre.
En général,
nous avons constaté que lors de la composition de l'alimentation
d'un digesteur, on procède à l'envers de la
logique. C'est-à-dire que l'on démarre le processus
avec les matières premières dont on dispose
et que l'on en distribue des quantités plus ou moins
grandes sur base du taux de puissance des moteurs. Le résultat
de cette façon de procéder est que on alterne
entre:
Donc, une succession de saccades
dans la productivité de l'installation entrelacée
régulièrement par un bloquage de la biologie
(diminution forte de la production de biogaz, acidification,
alcalinisation, production explosive d'H2S, formation de mousse,
diminution de la qualité du biogaz en-dessous de 47%
de méthane etc...)
Pourquoi?
Lorsqu'on travaille avec
une ration unique, celle-ci doit impérativement contenir
suffisamment de composants cellulosique à digestion
lente sous peine d'acidifier le digesteur. C'est à
dire que la réponse en terme de flux de biogaz lors
de l'augmentation de l'alimentation ne se fera sentir qu'après
quelque jours. Les moteurs restent donc à une puissance
sub-optimale (d'où perte de productivité) le
temps nécessaire pour atteindre le pic de flux procuré
par les quantités supplémentaires d'aliment
introduites. Bien souvent, au moment du pic de flux, le digesteur
produit trop de biogaz et la torchère s'enclenche (d'où
gaspillage d'aliment).
Il est nutritionnellement
impossible de composer une ration unique à réponse
rapide car celle-ci mènerait indubitablement à
l'acidification du digesteur. En effet, si la faune bactérienne
hydrolysante est capable de se multiplier ou de régresser
rapidement pour s'adapter à l'alimentation, il n'en
va pas de même pour le faune bactérienne méthanogène
composée exclusivement de bactéries à
multiplication lente. Il en découle une accumulation
d'acides gras volatils non consommés qui non seulement
vont acidifier le digesteur mais qui vont désactiver
cette faune méthanogène.
Solution
La seule solution capable
de résoudre ce problème est de séparer
virtuellement la ration en deux parties:
Une ration de base qui à
pour rôle d'assurer la stabilité biologique du
digesteur ainsi que de produire 80% du flux de biogaz. Cette
ration est une ration à réponse lente (pic de
flux de biogaz tardif). La lenteur de la réponse de
cette ration n'est pas handicapante puisque les quantités
distribuées de cette ration restent constantes dans
le temps.
Une ration de régulation
à réponse rapide (pic de flux précoce
et court) composée exclusivement de produits à
dégradation rapide (sacharides simples, disaccharides,
polysacharides en alpha-1,4, alcools etc...). Cette ration
de régulation peut ne pas être nutritionnellement
équilibrée puisquelle ne sera distribuées
en quantités restreintes afin de réguler le
flux de biogaz nécessaire à l'unité de
cogénération de manière fine et rapide.
Cette façon de procéder
permet simultanément de maintenir la santé du
digesteur et d'éviter les gaspillages énergétiques
(manque à gagner du fonctionnement suboptimal des moteurs
et perte directe par allumage de la torchère).
Dans les paragraphes suivants,
nous allons voir comment procéder pour réaliser
ces deux rations dans la pratique.
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3. Comment procéder
dans la pratique.
Il est nécessaire
de procéder dans l'ordre aux tâches suivantes:
1. déterminer
le besoin du flux horaire de méthane nécessaire
à la cogénération
2. déterminer
la disponibilité de matières premières
(maximum, minimum, prix, contenu nutritionnel, potentiels
biogaz et cinétiques de dégradation)
3. calculer
la composition de la ration de base couvrant 80% des besoins
de flux horaire de méthane. On tient compte du potentiel
biogas total (la cinétique de dégradation n'a
pas d'importance à ce niveau). La ration est calculée
en tenant compte des besoins en nutriments du digesteur.
4. calculer
composition de la ration de régulation qui couvrira
les 20% de flux horaire de méthane + ou - les variations
instantannées du flux produit par la ration de base.
Ici, la cinétique de dégradation est d'importance
capitale. Par contre, les taux de nutriments ne revêtent
qu'une importance secondaire.
3.1 Détermination du besoin de
flux horaire de méthane
Ceci est une tâche
simple. Elle est déterminée par les caractéristiques
techniques des moteurs.
3.2 Détermination de la disponibilité
des matières premières
Cette tâche est hardue
car elle consiste à réunir une grande quantité
d'informations nécessaires au calcul final des deux
rations. Sans ces informations, le calcul des rations sera
irréaliste tant du point de vue nutritionnel que du
point de vue économique.
3.2.1 Disponibilité des ingrédients
suceptible de rentrer dans les rations
On aura ici l'impression
de réaliser un travail inutile car il est primordial
de réunir des informations sur des ingrédients
qui ne rentreront pas dans les rations finales. Cependant,
plus on fait intervenir un grand nombre d'ingrédients,
plus on arrivera à un résultat optimal du point
de vue économique et du point de vue de la santé
biologique du digesteur.
Pour chaque ingrédient
potentiel individuel, les informations à réunir
sont les suivantes:
-
Quantité
journalière disponible, variation saisonnière
des quantités disponibles
-
Prix rendu par
tonne
-
Possibilité
de stockage et de réception (solides, liquides,
odeur, possibilité de stockage à moyen et
long terme etc...)
-
Possibilité
et coût de préparation (broyage, concassage,
mélange solide, mélange humide etc...) ou
possibilité d'incorporation directe dans le digesteur.
3.2.2 Analyses des nutriments (valeur
nutritionnelle des ingrédients)
Analyse des nutriments pour
chaque ingrédient individuel. Ces analyses étant
onéreuses, nous avons l'habitude d'utiliser notre base
de donnée (plus de 8000 ingrédients analysés)
afin d'éviter les frais d'analyses. Par exemple, un
blé humide avarié ne devra pas être analysé
puisque nous possédons déjà ces données
dans notre base de donnée. Il en va de même pour
la majorité des sous-produits de l'industrie alimentaire
belge. Bien souvent, nous nous bornerons aux analyses de matière
sèche et cendres brutes pour ajuster les valeurs des
autres nutriments.
Les données chiffrées
nécessaires sont:
- Matière sèche
- Cendres totales
- Cellulose brute (parfois également
NDF, ADF, ADL afin d'afiner la composition des fibres)
- Matière grasse
- Protéine brute
- Sucres et amidons (pas toujours nécessaires)
- Soufre total (minéral sous forme
de sulfates p.ex, organique sous forme d'acides aminés
soufrés Met et Cys). Très important pour
la limitation de la formation d'H2S non seulement mortelle
pour les pistons et les soupapes mais également
à l'origine d'une perte d'efficience énergétique
de production de biogaz.
- Minéraux majeurs: Calcium, Magnésium,
Phosphore, Sodium, potassium, chlore (nécessaires
non seulement pour la détermination de couverture
des besoins mais également pour la limitation d'incorporation
afin de rester en dessous des niveaux de toxicité
de ces nutriments)
- Oligoéléments: Fer (Fe),
cuivre (Cu), zinc (Zn), manganèse (Mn), cobalt
(Co), seélénium (Se), iodes (I), molybdène
(Mo), nickel (Ni), fluor (F), chrome (Cr). Comme pour
les minéraux majeurs, nécessaires pour la
couverture des besoins et la détermination du niveau
de toxicité. Bien souvent, nous disposons des analyses
nécessaires dans notre base de donnée. Sinon,
notre expérience en la matière permet d'inclure
ou d'exclure la nécessité d'analyses par
produit individuel.
- Présence de protéines
animales nécessitant une pasteurisation (dans le
cas où le biométhaniseur ne dispose pas
des permis d'utilisation de protéines animales).
- Eléments indésirables
(cfr législation par région). Ces analyses
ne devront être disponibles que pour les ingrédients
qui entreront dans les rations).
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3.2.3 Potentiel et cinétique
de dégradation
Potentiel et cinétique de dégradation.
Remarquons qu'ici, il ne suffit pas de connaître le
potentiel biogaz de la matière première mais
également la cinétique exacte de dégradation.
Par cinétique exacte, on entend essentiellement les
données suivantes:
- moment exact du pic de flux de biogaz
(à une heure près et non à un jour
près comme déterminé par la plupart
des laboratoires biogaz)
- flux horaire de biogaz exact au moment
du pic de production (non pas le flux moyen sur 1 jour mais
bien le flux au moment du pic)
- Taux de réduction du flux horraire
de biogaz après le pic
- Paramètres cinétiques généraux
(T25, T50, T75, T90)
Qu'entend-t-on par "données
cinétiques exactes", pourquoi les analyses d'autres
laboratoires biogaz ne sont pas utilisables?
Les appareils d'analyses
de potentiel et de cinétique de dégradation
conçu dans notre laboratoire fonctionnent selon le
standard VDI4630. Cependant, Les laboratoires qui suivent
ce protocole récupèrent le biogaz des digesteurs
batch dans des sacs à gaz et déterminent manuellement
la quantité de gaz produite chaque jour (seulement
1x par jour car ce travail est fastidieux). Nos appareils
sont automatisés et suivent le flux de gaz produit
de façon continue. Pour les ingrédients de la
ration de régulation (pic de flux précoce et
court), il est nécessaire de déterminer le flux
et le moment du pic de flux à l'heure près et
non au jour près. Si l'on utilisait une analyse conventionnelle,
on risqueraite non seulement de se tromper sur le moment du
pic (on saurait que le pic de production a lieu le premier
jour mais on ne sait pas quand) mais également, et
ceci est très important, sur le flux à ce moment
précis. Voir
l'exemple sur une glycérine non raffinée.
3.2 Calul de la ration de base
Au risque de se répéter,
la ration de base doit remplir les fonctions suivantes:
- Produire un flux horraire
de biogaz permettant de couvrir les besoins en méthane
des moteurs de cogénération pour 80% de leur
puissance maximale.
- Fournir tous les nutriments
nécessaires au maintien de la santé de la
faune bactérienne du digesteur
- N'être à
l'origine d'aucun phénomène de toxicité
(minérale ou autre).
Cette ration est en fait
calculée de la même façon qu'une ration
unique équilibrée. Elle peut contenir tant des
ingrédients à digestion lente que des ingrédients
à digestion rapide (pour autant que ces derniers n'aient
pas d'effet acidifiant dans l'ensemble de cette ration de
base.
Dans le cas idéal,
la composition de cette ration de base ne varie pas au cours
du temps. Il en va de même pour le quantités
journalières distribuées. Lorsqu'on a besoin
de plus ou de moins de biogaz, on modifiera les quantités
distribuées de la ration de régulation mais
jamais celles de la ration de base.
Il va de soi que ceci représente
le cas idéal. Hormis les matières premières
produites à la ferme (ensilage de maïs) ou les
matières premières nobles (blé, escourgeon
etc...) onéreuses, la disponibilité de sous-produits
de l'industrie agro-alimentaire subissent bien souvent des
variations saisonières. Dans ce cas, la ration de base
sera modifiée graduellement (jamais brusquement) au
cours de l'année et on se servira de la ration de régulation
pour maintenir le flux de biogaz constant.
Notre service de nutrition
est peu onéreux et peut être mis à profit
pour vous guider et vous suivre afin de maintenir votre digesteur
en état de fonctionnement optimal.
3.3 Calcul de la ration de régulation
Une fois la ration de base
déterminée, le calcul de la ration de régulation
se bornera à:
- Déterminer quels
ingrédient peuvent y être incorporés
(uniquement les produits à pic de flux précoce
et court).
- determiner le flux de
biogaz produit par tonne de cette ration de régulation
afin de pouvoir déterminer à chaque moment
les quantités à distribuer en fonction du
flux réel momentané de biogaz.
- Déterminer la
quantité maximale pouvant être mise en oeuvre
sans déséquilibrer la ration globale.
De cette façon, pour
faire fonctionner votre installation, vous distribuez toujours
la même quantité journalière de ration
de base + une quantité de la ration de régulation
nécessaire à obtenir 95-100% de la puissance
moteur. Si la quantité maximale de ration de régulation
(cfr ci dessus) est dépassée, il sera nécessaire
de déterminer les causes (analyse des ingrédients,
digestats, diagnostic, éventuellement révision
de la ration de base).
Afin de pouvoir automatiser
l'alimentation en ration de régulation, il est préférable
(mais pas obligatoire) de n'utiliser que des produits pompables
pour cette partie de la ration. L'alimentation peut être
soit régulée en fonction du débit de
biogaz instantané, soit mieux, en fonction de la pression
sur la bâche du digesteur. |